- 11 février 2021
- En Sammy Soetaert
- | Source: Motion Control
"La synergie entre l'IT et l'OT offre de nouvelles possibilités"
Lenze a subi une transformation radicale au cours de la dernière décennie, passant du statut de simple producteur de composants d'entraînement à celui de véritable 'fournisseur de solutions'. Patrick Bruder est responsable du développement des produits des systèmes d'automatisation. En pleine ère de la numérisation, il est donc idéalement placé pour nous expliquer les évolutions de cette branche. Il est revenu avec nous sur sa vision de la numérisation, de ses opportunités mais aussi de ses pièges, et sur l'histoire de Lenze à proprement parler.

business development manager Automation Lenze
L'Industrie 4.0, qu'est-ce que c'est pour vous ?
Patrick Bruder : "Pour moi, l'Industrie 4.0 est synonyme de rapprochement des technologies. Les nouvelles possibilités de communication, l'amélioration des réseaux et la numérisation créent une plus grande synergie entre le monde de l'OT (les technologies d'exploitation) et celui de l'IT. Cela a bouleversé notre fonctionnement, avec l'émergence de nouveaux modèles commerciaux, de relations différentes entre clients et fournisseurs et de nouvelles structures au sein des entreprises. Pour ce dernier point, je vais vous donner un chiffre très éloquent au sein de notre organisation. Il y a environ dix ans, il n'y avait pratiquement pas de professionnels de l'informatique dans notre branche de l'automatisation ; à l'époque, nous avions environ 500 ingénieurs d'application. Aujourd'hui, ils sont toujours là, mais ils ont été rejoints par pas moins de 250 ingénieurs informaticiens. Cette évolution vers une plus grande intégration de l'informatique dans le monde de l'OT n'est d'ailleurs pas la seule évolution que nous observons au sein des entreprises."
"D'autre part, nous constatons que les constructeurs de machines craignent parfois pour leur position sur le marché s'ils comblent trop fortement cette ouverture. Ils pensent à tort que cette ouverture implique de balancer toutes leurs données relatives à une machine sur la place publique. Mais j'aime prendre les choses dans l'autre sens. Les constructeurs de machines doivent également réfléchir à ce qui se passera s'ils n'adaptent pas leur approche. Imaginez que toutes les machines d'une entreprise puissent communiquer entre elles via un protocole OPC UA, mais que votre machine ne dispose pas de cette fonctionnalité, inutile de vous expliquer ce qui vous attend sur le long terme."
"Les entreprises veulent que leurs machines puissent être visualisées et même réparées à distance"
"Pour les constructeurs de machines, c'est une période difficile mais passionnante. Les exigences des clients finaux évoluent fortement et ils subissent davantage de pression de ce côté. La normalisation en est un exemple : les clients finaux achètent souvent des machines auprès de différents fournisseurs, mais ils veulent que toutes ces machines puissent communiquer entre elles et avec leur système global sans interfaces compliquées. L'arrivée de l'OPC UA est une réponse à cela. Cela nécessite une certaine ouverture technologique, une tendance qui est renforcée par le contexte de pandémie. Les entreprises veulent pouvoir visualiser et même réparer leurs machines à distance. Et elles ne veulent pas devoir le faire à partir d'une plate-forme ou d'une application différente à chaque fois."

Nouveaux modèles commerciaux
Vous avez évoqué tout à l'heure de nouveaux modèles commerciaux. Qu'entendez-vous par là ?
Patrick Bruder : "Le paiement à l'utilisation est très prometteur. Le client final ne paie plus la machine qu'il achète au constructeur, mais paie à la pièce ou à la quantité produite avec celle-ci. Cela permet de contourner l'investissement ponctuel, mais les constructeurs de machines ne montrent pas encore tous le même enthousiasme. Dans cette situation, la machine n'est pas payée immédiatement, mais par tranches sur le long terme. Mais cette approche présente également des avantages importants pour eux. Actuellement, ils vendent souvent leur machine et ne prennent des mesures que si quelque chose ne va pas. Dans ce nouveau modèle d'entreprise, ils sont amenés à contrôler beaucoup plus étroitement le parc de machines afin de garantir la production - et donc leur propre revenu. Cela signifie également que la relation avec leur client peut être beaucoup plus intense et durable. Mais plus important encore : le fait de s'impliquer de cette façon permet aux constructeurs de machines de développer de nouvelles fonctions. Ils disposeront de beaucoup plus d'informations provenant de leurs machines et pourront utiliser ces données pour développer des machines toujours plus performantes et offrant de nouvelles fonctionnalités."
"Commencez avec les données que vous avez déjà, il n'est pas toujours nécessaire de prévoir de nouveaux investissements"
Les données prennent une toute autre importance dans cette approche. Comment gérer cet aspect ?
Patrick Bruder : "Commencez avec les données que vous avez déjà, il n'est pas toujours nécessaire de prévoir de nouveaux investissements. Je donne l'exemple d'un servodrive qui est relié à la machine par le moteur. Grâce à cette connexion mécanique, nous pouvons en quelque sorte savoir ce qui se passe dans la machine. En d'autres termes, si des vibrations se produisent, nous pouvons les voir à travers le moteur. Grâce au retour d'information du servomoteur, nous pourrons peut-être corriger à distance le problème dans la machine. Dans ce cas, le servodrive fait également office de capteur. De cette façon, il n'est pas toujours nécessaire de prévoir des capteurs supplémentaires, car cela représente des frais et une maintenance supplémentaires."

Plate-forme AAS
"En 2021, la numérisation va à nouveau faire un bond en avant : elle intervient depuis la conception d'une machine jusqu'à la maintenance chez le client final. Nous mettons plusieurs choses à la disposition des constructeurs de machines à cette fin. Cela va de simples fichiers CAO à intégrer dans ses propres programmes à la création d'un jumeau numérique complet via notre plate-forme AAS (Asset Administration Shell). Les possibilités sont énormes. La mise en service virtuelle en est un excellent exemple : comme toutes les données possibles d'un système sont disponibles numériquement, le constructeur de la machine peut directement voir comment fonctionne son concept et cibler les éventuels obstacles, sans avoir à utiliser un prototype physique. Non seulement c'est plus rapide, mais ça coûte aussi beaucoup moins cher. Mais la numérisation a également un rôle important à jouer dans le processus du client final. Il faut voir cela au-delà de l'aspect classique de la maintenance conditionnelle, qui permet de détecter à l'avance les problèmes potentiels, et l'associer à la mise à niveau après un remplacement, aux outils de formation, ou de dépannage... les possibilités sont infinies."
"Nous en sommes arrivés à un carrefour décisif. Que va apporter le cloud ? Et si nous pouvions faire fonctionner le jumeau numérique entièrement dans le cloud et exécuter également des actions de machine à partir de cet endroit de manière sécurisée ? On pourrait facilement se passer du PLC tel que nous le connaissons aujourd'hui d'ici quelques années. Si vous voulez être parés pour ce genre d'évolution, vous devez prendre les mesures nécessaires dès aujourd'hui. Demain, il sera peut-être déjà trop tard."
DU FOURNISSEUR D'ENTRAINEMENTS AU PARTENAIRE EN AUTOMATISATION
Lenze a subi une transformation radicale au cours de ces dernières années. À l'origine, Lenze était surtout connue pour sa technologie d'entraînement. Au cours de la dernière décennie, c'est surtout dans l'automatisation que l'entreprise s'est spécialisée.
Marc Vissers (marketing manager Lenze EMEA West) : "Nos connaissances en matière de mécanique de la machine offrent un avantage indéniable. La structure constitue la base, le 'moteur', et le logiciel détermine les fonctionnalités. Pour faciliter les choses à nos clients, nous proposons par exemple les modules technologiques FAST. Cela permet aux clients de générer des mouvements communs de manière très accessible. Il leur suffit d'entrer les paramètres ; la programmation est déjà incluse dans les blocs technologiques. Mais la numérisation en mécatronique ne s'arrête pas là non plus. Nous proposons aussi le smart conveyor calculator, la plate-forme ESD (Easy System Designer) et le EASY Product Finder (EPF). Ces solutions s'adressent aux acheteurs et aux concepteurs afin de les aider à choisir correctement leurs composants et leurs pièces. Ils ont ainsi directement accès à toutes les informations pertinentes, comme les données CAO ou les informations sur le couple/la vitesse.